L'alignement unchained

De nombreuses campagnes abordent l’alignement comme un mécanisme : une condition requise pour certaines classes, un vague concept moral (souvent soumis à débat) et une référence pour savoir quelles armes et quels sorts éviter. D’autres joueurs se montrent plus respectueux de l’alignement et lui consacrent une grande importance, transformant leurs personnages en véritables exemples de leurs philosophies morales respectives.

Le système alternatif suivant traite l’alignement comme un mécanisme de narration et vous permet de créer des défis à l’alignement, de noter ses fluctuations et de récompenser les personnages qui défendent leurs valeurs.

Il vous faut une copie du diagramme de l’alignement donné dans la table "Évolution de l'alignement" pour chaque personnage de votre campagne. À vous de voir si ce sont les joueurs ou le MJ qui notent l’évolution de l’alignement. Vous avez deux manières d’utiliser ce système au départ. La première, la méthode d’alignement relatif, consiste à faire démarrer chaque personnage au point neutre sur les deux axes (ou aussi près de la neutralité que sa classe l’y autorise). Vous pouvez aussi utiliser la méthode d’alignement standard qui permet à chaque personnage de débuter le jeu avec l’alignement qu’il désire mais à la limite de la neutralité, ce qui l’oblige à travailler pour atteindre l’apogée de la morale qu’il a choisie. Voici les principes de base de chaque méthode.

Évolution de l'alignement
123456789
LoyalNeutreChaotique
123456789
BonNeutreMauvais
L’alignement relatif. Avec la méthode d’alignement relatif, la plupart des personnages, sinon tous, débutent en tant que Neutres sur les deux axes d’alignement (la position « 5 » sur l’axe Loi/Chaos et sur l’axe Bien/Mal). Si la classe de départ du personnage présente des restrictions d’alignement, le personnage débute en se plaçant le plus près possible de la position Neutre sur les axes, tout en respectant les restrictions d’alignement de sa classe. Par exemple, un moine débute en « 3 » sur l’axe Loi/Chaos et en « 5 » sur l’axe Bien/Mal. Un paladin débute à « 3 » sur les deux axes. Avec cette méthode, les conflits moraux représentent un danger pour les personnages de bas niveau car, si l’un d’eux doit respecter une éthique d’alignement pour bénéficier de certains pouvoirs ou progresser dans sa classe, il lui suffit d’un faux pas pour être contraint de se mettre en quête d’un sort de pénitence ou être obligé de reconsidérer son plan de carrière.

L’alignement standard. La méthode standard est moins restrictive que la méthode relative. Le joueur choisit l’alignement de son personnage comme à l’accoutumée et le personnage se positionne sur l’axe au niveau de son alignement mais au plus près de la frontière avec la Neutralité (donc en « 3 » ou en « 7 » sur chaque axe). Si le joueur choisit la Neutralité, son personnage se trouve exactement au milieu de l’axe, à savoir en « 5. »

Cette méthode comporte aussi ses dangers pour les personnages de bas niveau en cas de conflits moraux précoces mais ils ont moins de risques de s’éloigner de leur choix premier et bénéficieront plus facilement des récompenses ultérieures.

Les défis et les dilemmes moraux

En cours de partie, les joueurs combattent des monstres, découvrent des trésors et décident de prendre l’intersection de droite ou de gauche mais ils ont aussi d’autres choix à faire. Des choix moraux. Dans la plupart des parties, ils sont assez directs. Aidez-vous le royaume à vaincre un mal ancestral ? Empêchez-vous les pillards de saccager le village ? Éliminez-vous le troll affamé qui décime les hameaux isolés ? En l’absence de circonstances modificatrices, ces choix moraux sont considérés comme Bons (et sûrement Loyaux) et sont à valider comme tels si vous utilisez ce nouveau système mais ce dernier prend toute sa dimension quand les choix ne sont pas aussi manichéens.

Un conflit moral éclate suite à un défi ou un dilemme moral. Un défi moral se présente comme un choix moral d’apparence claire et évidente qui se révèle en réalité fallacieux ou compliqué et oblige le personnage à réévaluer les informations de base. Que font nos héros quand ils se rendent compte que le mal ancestral qui menace le royaume est en fait une rébellion ayant pour seul but de nourrir les nécessiteux ? Et si les pillards sont juste des habitants des collines qu’un dragon a chassés de chez eux et qui tentent de survivre ? Peut-être que le troll cherche à venger sa femme et ses enfants, massacrés par les villageois. Dans une telle situation, les choix des personnages et le raisonnement qui les a menés à ces choix provoquent parfois des modifications sur l’axe de l’alignement.

Prenons, par exemple, une situation dans laquelle un monarque charge les personnages de débarrasser son royaume d’un antique ordre de fanatiques qui menacent le statu quo. Si un personnage accepte cette quête, il ne se heurte pas à un défi ou un dilemme moral et il ne risque pas de voir son alignement évoluer dans une direction ou une autre. On peut tout de même dire que les personnages accomplissent un acte loyal en obéissant à leur monarque. Pour l’instant, contentons-nous de supposer que les personnages seront grassement récompensés s’ils réussissent cette quête (comme c’est généralement le cas) et qu’à moins qu’un personnage particulièrement loyal ne décline cette récompense, nos héros agissent dans leur propre intérêt, ce qui est un acte Neutre dans notre système. Cependant, au cours de leur quête contre le culte destructeur, les personnages apprennent qu’il s’efforce bel et bien de saper le pouvoir du monarque mais que ses motivations n’ont rien de maléfique. Le culte est Chaotique mais Bon, il cherche à briser le statu quo pour éliminer les injustices sociales que le roi, Loyal à l’extrême, impose pour conserver un pouvoir absolu.

Que font alors nos personnages ? S’ils suivent aveuglément les ordres du monarque et acceptent les mesures les plus draconiennes que le trône applique pour faire régner la paix, ils glisseront du côté de la Loi. Et s’ils apportent leur soutien à une politique particulièrement cruelle, ils dériveront peut-être en direction du Mal. S’ils décident de s’allier au culte et de combattre activement leur ancien employeur, ils feront un pas en direction du Chaos et, selon leurs motivations, se rapprocheront peut-être du Bien ou du Mal. Il y a bien sûr d’autres options ! Nos héros peuvent tenter d’expliquer les inquiétudes d’un camp à l’autre. Ce rôle de médiateur ultime mène à une grande victoire du Bien dans le royaume s’il est couronné de succès (et s’accompagne donc d’un important déplacement sur l’axe Bien/Mal). Les personnages peuvent aussi monter encore plus les deux adversaires l’un contre l’autre, envenimer le conflit et profiter des affrontements pour occuper une place libérée au pouvoir, ce qui serait un plan Mauvais et probablement Chaotique. Quoi qu’il arrive, c’est seulement lors des conflits moraux que les personnages peuvent choisir entre des objectifs Bons ou Mauvais ou Loyaux ou Chaotiques et ce système a besoin de ce genre de défis.

Les dilemmes moraux sont plus difficiles à concevoir et à gérer. Ils fonctionnent comme les défis mais ils comportent des paradoxes moraux : il n’y a pas de solution claire et nette et c’est au personnage de faire de son mieux pour trouver la solution qui lui convient le mieux. Des aventuriers ayant juré de défendre le roi et sa lignée découvrent un jour que le monarque est un serviteur des démons assoiffé de pouvoir qui tente d’ouvrir un portail vers les Abysses. Le seul moyen de l’en empêcher consiste à le tuer mais un régicide plongera le pays dans une guerre civile sanglante et les personnages seront condamnés pour trahison. En revanche, s’ils ne font rien, le pays souffrira peut-être plus encore ou bien ils devront vaincre une armée de démons avant qu’elle ne ravage le royaume. Ils doivent prendre une décision sachant qu’aucune ne convient vraiment. Évidemment, le but n’est pas de faire le « bon » choix mais d’observer les décisions des personnages et de modifier leur alignement en conséquence.

Timing et fréquence

Chaque aventure ou presque porte en elle un potentiel pour les conflits moraux mais vous devriez veiller à ce que vos joueurs ne s’y heurtent pas trop souvent, sinon, ils vont s’en lasser et les conflits perdront leur côté tragique. Les conflits moraux représentent une part sympathique des campagnes, obligeant à la réflexion, mais certains joueurs préfèrent se concentrer sur des aspects plus concrets du jeu, une bonne séance doit donc comporter des éléments moraux, stratégiques et tactiques. Les défis moraux sont souvent nuancés et les dilemmes ont un côté frustrant de par leur nature même : quoi que tu fasses, tu as perdu. Ces deux éléments sont aussi stressants qu’une bataille épique et font grimper la tension autour de la table. Pour le meilleur ou pour le pire.

Si vous saturez une partie avec des défis et des dilemmes moraux, vous risquez de les dévaloriser. Considérez-les comme un « combat de boss » dans une partie centrée sur les batailles, c’està- dire un affrontement au sommet, à l’opposé des inconvénients mineurs que sont les pièges que l’on désamorce facilement une fois que l’on a compris leur mécanisme. Limitez ces défis à un par niveau de personnage, au plus. Si votre groupe en raffole, vous pouvez lui en donner plus mais un par niveau, c’est une bonne base de départ.

Même si c’est drôle de défier des personnages à l’alignement très marqué, veillez à proposer des défis moraux à tous les membres du groupe. Les personnages agiront alors indépendamment et mettront en avant leurs divers points de vue et exprimeront leurs désirs. Ces luttes entre personnages créent souvent la base de défis moraux secondaires et donnent des opportunités de changement d’alignement individuel grâce aux interactions entre les membres du groupe. Préparez-vous à gérer ces défis moraux spontanés et à les évaluer. Pour vos joueurs, ces interactions prendront un caractère encore plus viscéral et satisfaisant que les autres défis moraux car ils découlent des interactions naturelles de leurs personnages.

Glissements et affirmations

Quand un personnage se trouve face à un défi ou un dilemme moral, utilisez sa réaction pour lui indiquer s’il a exprimé un glissement ou une affirmation. C’est au MJ de décider si une réaction mérite un glissement sur un axe d’alignement. C’est souvent assez simple : le personnage a-t-il agi de façon égoïste et insensible ? Cela risque de le faire glisser vers le Mal sur l’axe Bien/Mal. Le personnage a-t-il défendu la loi du pays au lieu de privilégier les droits des habitants ? Il pourrait alors glisser vers la Loi sur l’axe Loi/Chaos. Des actions décisives entraînent parfois un glissement de deux crans, cependant, vous ne devriez jamais laisser une unique action provoquer un glissement de plus de deux crans. En tant que MJ, c’est à vous que revient la décision finale mais n’oubliez pas que vos joueurs ne seront peut-être pas d’accord avec votre décision initiale. Laissez-les la remettre en question, prenez leurs arguments au sérieux et n’ayez pas peur de changer d’avis.

Au début d’une campagne, vous aurez sans doute de nombreux glissements d’alignement, au fur et à mesure que les personnages forgent leur morale. Plus tard, quand les caractéristiques morales des personnages commenceront à se figer, certains s’installeront à l’extrémité d’un ou deux axes d’alignement. Ils opteront alors pour un mode de conduite confortant leur alignement mais, comme ils sont déjà au bout de l’axe, cela n’entraînera aucun changement. Dans ce cas, ils recevront une ou deux affirmations (des petits avantages temporaires liés à l’alignement choisi) en fonction du nombre de crans selon lequel leur alignement aurait dû glisser. Un personnage peut dépenser une affirmation au cours des vingt-quatre heures suivant son acquisition, après cette période, elle est perdue. Nul besoin de dépenser une action pour utiliser une affirmation, mais le personnage doit être conscient. Voici les avantages que confèrent ces affirmations.

Chaotique. Quand le personnage effectue un jet de Réflexes ou de Volonté, il peut dépenser une affirmation Chaotique pour lancer deux fois le dé et conserver le meilleur résultat. S’il possède déjà un pouvoir l’autorisant à lancer deux fois le dé et choisir le meilleur résultat, il peut dépenser son affirmation pour gagner un bonus de +2 aux deux jets.

Mauvais. Le personnage peut dépenser une affirmation Mauvaise pour ajouter un bonus de +2 aux dégâts infligés ou aux soins prodigués à toutes les cibles lorsqu’il utilise un sort de blessure ou de canalisation d’énergie négative. Il peut à la place gagner un bonus de +4 à un unique jet de dégâts d’une arme effectué alors qu’il obéit à ses propres désirs.

Bien. Le personnage peut dépenser une Bonne affirmation pour gagner un bonus de +2 aux dégâts infligés ou aux soins prodigués à toutes les cibles lorsqu’il utilise un sort de soins ou de canalisation d’énergie positive. Il peut à la place infliger un malus de -4 à un unique jet de dégâts d’une arme effectué contre un de ses alliés ou contre un innocent.

Loyal. Le personnage peut dépenser une affirmation Loyale pour gagner un bonus de +4 à la CA contre une unique attaque. Il doit utiliser cette affirmation avant le jet d’attaque.

Notez que les personnages Neutres ne gagnent pas d’affirmation car ils ont déjà l’avantage d’être à l’abri des sorts et effets basés sur l’alignement.

Quand vos joueurs montent en niveau et s’investissent dans ce système, vous pouvez créer de nouvelles affirmations, en fonction des penchants moraux dominants des personnages. Par exemple, si vous avez un paladin de Torag parmi vos personnages, il semble raisonnable de lui donner une affirmation lui permettant d’offrir son bonus à la CA à un allié adjacent. Vous pouvez aussi créer vos affirmations en fonction des actions à l’origine de leur création.

Une dimension cosmique

À Pathfinder, la morale et l’alignement ne se limitent pas aux actions quotidiennes. Quand un personnage se dévoue pleinement à un alignement, il devient part intégrante d’une lutte idéologique éternelle qui transcende la vie mortelle et le monde physique, un conflit perpétuel si vaste qu’il entraîne les dieux eux-mêmes dans son tumulte. Plus les personnages montent de niveau et développent leurs pouvoirs, plus leur rôle prend de l’ampleur dans cette lutte cosmique.

Les grandes batailles idéologiques impliquent des défis moraux, comme expliqué précédemment, mais leurs acteurs sont de puissants extraplanaires, comme des anges, des démons, des protéens et des inévitables, des créatures qui sont, à bien des égards, les manifestations physiques de leur alignement.

Les dons d'alignement

Quand les personnages s’engagent dans les grandes luttes cosmiques pour défendre leur alignement et leur morale, ils disposent de nouveaux outils capables de les aider à défendre leur philosophie.